Cher Michael, On sait les Ecossais attachés à l’Union européenne. Quels scénarii sont envisageables dans le cadre du référendum ? Quels sont les enjeux pour l’Ecosse ?
Brexit : Scénario pluriel pour l’Ecosse
Si le référendum porte de fait sur le Royaume-Uni, il met également en exergue ses problématiques constitutionnelles. A peu de choses près, tous les scénarii possibles semblent voués à aviver les tensions internes du pays.
Selon un premier scénario, les quatre nations du Royaume-Uni voteraient pour le Retrait. C’est très peu réaliste puisque tous les sondages montrent que l’Ecosse voterait majoritairement pour le Maintien.
Un deuxième scénario verrait l’Angleterre voter pour le Retrait et l’Ecosse pour le Maintien. Le vote anglais contraindrait alors l’Ecosse à quitter l’Union européenne contre sa volonté. Cette situation pourrait bien constituer le fameux « changement tangible des circonstances » qui justifierait un nouveau référendum sur l’indépendance.
Pourtant un tel référendum serait bien difficile à vendre. La problématique des finances publiques, de la dépendance au pétrole et de la monnaie sont aujourd’hui encore plus prégnantes qu’en 2014. Du coup, partager la Livre Sterling serait encore plus compliqué si l’Ecosse était dans l’Union et l’Angleterre au dehors. Après tout, toute la stratégie du mouvement écossais « Independence in Europe » repose sur le fait que le coût de l’indépendance serait moindre si l’Ecosse restait membre de l’Union européenne, grâce à la garantie des frontières ouvertes, l’accès aux marchés et à la libre circulation des travailleurs avec le Royaume-Uni mais également l’Europe.
Or, avec l’Ecosse dans l’Union, et l’Angleterre au dehors, la frontière entre les deux deviendrait moins perméable. Et même si l’Ecosse devait quitter l’Union en même temps que l’Angleterre, la donne serait changée. Le Retrait de l’Union restituerait du pouvoir au Royaume-Uni, et finalement bien plus à l’Ecosse qu’à Westminster : des pans entiers des politiques sur l’agriculture, la pêche, l’environnement, la justice, les affaires intérieures, l’éducation supérieure et les affaires sociales. L’Ecosse pourrait choisir d’aligner ses politiques sur Londres ou sur Bruxelles, conservant ainsi une forme de connexion avec l’Europe, à défaut d’être encore acteur de la législation européenne.
Dans un troisième scénario, l’Ecosse voterait de manière décisive pour le Maintien dans l’Union, tandis que l’Angleterre choisirait le Retrait à une très faible majorité. C’est alors l’Angleterre qui serait contrainte de rester dans l’Union contre son gré. Les pro-Brexit sont de manière générale des nationalistes anglais et cela ferait définitivement enrager une opinion publique déjà préoccupée par sa souveraineté en matière de lois et de finances. En d’autres termes, cela gâcherait encore les relations entre Ecossais et Anglais.
Dans le quatrième scénario, les quatre nations britanniques choisiraient de rester dans l’Union. L’accord négocié par Cameron stipule clairement que l’engagement inconditionnel du Royaume-Uni vis-à-vis du projet européen est arrivé à son terme. L’exemption du Royaume-Uni au principe « d’union toujours plus fortes des peuples européens » peut sembler symbolique, mais cela signifie en réalité que les gouvernements britanniques pourront choisir à leur gré auxquels des futurs accords ils choisiront d’adhérer. Et la non-adhésion (« opt-out ») sera la règle plutôt que l’exception. L’Ecosse pourrait ne pas souhaiter prendre ce même chemin. L’Ecosse a une attitude bien plus ouverte que l’Angleterre sur les questions sociales, sur des thématiques comme la liberté de circulation, le changement climatique, les énergies renouvelables et non-renouvelables. Il existe également des intérêts divergents dans les domaines de l’agriculture et de la pêche. Aujourd’hui l’Ecosse a son mot à dire sur la législation européenne au travers du Comité Ministériel Commun sur l’Europe, et les ministres écossais sont présents dans les délégations britanniques au sein du Conseil de l’Union européenne. Ces dispositions permettent à l’Ecosse d’avoir une voix, mais pas de véritable pouvoir de décision alors que les négociations sont menées par le gouvernement de sa Majesté. Si les dissensions entre les deux gouvernements prenaient de l’ampleur, alors tous ces mécanismes seraient mis à rude épreuve.
Michael Keating est professeur en sciences politiques à l’université d’Aberdeen et Directeur du Centre on Constitutional Change. Il est actuellement expert pour le forum indépendant “UK in a Changing Europe” et participe au programme Changing Europe de l’Economic and Social Research Council (ESRC). Les BreXing News regroupent en un blog des analyses et des points de vue publiés durant la campagne référendaire au Royaume-Uni par l’EU-Asia Institute de l’ESSCA. Download the English version of this post. Aller aux BreXing News précédentes.