Pour le gouvernement écossais le double-objectif de se retirer du Royaume-Uni et de rester dans l’Union européenne sera difficile à réaliser, mais potentiellement faisable. Cette perspective n’est pas une de ces chimères comme celle de croire qu’il est possible de quitter l’UE tout en préservant tous les avantages d’un membre du marché unique… La stratégie du gouvernement écossais repose sur la séquence des étapes : il s’agit d’abord de se séparer du Royaume, afin de permettre à une Ecosse indépendante de rester un Etat-membre de l’Union.

Quant au premier de ces deux défis, depuis qu’ils ont perdu le référendum de 2014 sur l’indépendance avec in score de 45%, les activistes du Scottish National Party (SNP) se sont entraînés de sauter « l’obstacle des 50% ». Le document de consultation récemment publié par le gouvernement d’Edimbourg définit les termes d’un nouveau référendum sans pour autant spécifier une date.

La First Minister, Nicola Sturgeon, doit d’abord trouver une bonne raison pour un second vote, et surtout la certitude que le SNP peut le gagner. Mme Sturgeon considère que le retrait de l’ensemble du Royaume-Uni de l’Union européenne représente un changement constitutionnel fondamental dans la manière dont l’ensemble des Britanniques sont gouvernés, bien que 62% des Ecossais aient voté contre le Brexit. Pour elle, c’est une justification suffisante pour un nouveau référendum.

En ce moment, Theresa May et Nicola Sturgeon sont dans un simulacre de combat. Il y a un genre d’accord selon lequel, si le gouvernement conservateur arrivait à négocier avec Bruxelles un arrangement qui donnerait un statut spécial à l’Ecosse, un deuxième référendum serait écarté. Ce n’est pas évident. Le gouvernement de Londres devrait demander plus qu’un simple « Brexit soft » pour l’Ecosse. Et l’UE devrait faire des concessions sans précédent sur une question de principe, permettant à un Etat-membre d’être moitié dedans et moitié dehors. Ces postures cesseront avant Pâques quand Theresa May notifiera enfin officiellement Bruxelles du retrait du Royaume-Uni.

C’est à ce moment que les institutions entameront les négociations avec les représentants britanniques. La demande du SNP pour un rôle significatif dans les négociations risque d’être refusée à la fois par Londres (puisque le parti n’y compte pas) et par Bruxelles (puisque l’Ecosse n’est pas un Etat indépendant). Ce sera alors une occasion pour Nicola Sturgeon de déclarer que les conditions d’un deuxième référendum sont réunies. « IndyRef2 », comme ce dernier est désormais appelé en Ecosse, pourra être organisé avant l’été 2017.

Le gouvernement du Royaume ne pourra guère s’y opposer par principe. Après tout, David Cameron avait bien accordé aux Ecossais le droit de se retirer du Royaume au même titre qu’il avait promis aux Britanniques le droit de décider de leur retrait de l’Europe ! La décision de Nicola Sturgeon sera basée sur un calcul politique très simple : quelles sont les chances de l’emporter ? Une défaite serait pire qu’un camouflet personnel. Elle signifierait qu’une majorité d’Ecosse rejetterait la raison d’être même de son parti.

Or, on sait bien que le résultat de tout référendum démocratique est aussi incertain que les sondages sont incapables de le prédire. Les enquêtes actuelles sont dissuasives pour Mme Sturgeon. Mais ce sont des opinions hypothétiques et très volatiles. En même temps, Mme Sturgeon est aussi sous la pression de ses militants, pour qui les adversaires sont actuellement vulnérables et faciles à battre. Le Parti travailliste, par exemple, n’est pas seulement pris dans des dissensions internes, mais aurait aussi beaucoup de mal à trouver un argument contre un vote qui libérerait l’Ecosse d’un gouvernement conservateur. Et le leader écossais des Conservateurs, Ruth Davidson, pourrait certes défendre le gouvernement de Theresa May, mais ne représentait qu’un cinquième des électeurs aux législatives de l’an dernier. Le SNP attendra donc une évolution qui va dans son sens.

Cela pourrait être un conflit ouvert dans le gouvernement sur les conditions que l’Union européenne serait prête à offrir aux Britanniques à l’issue des négociations, ou encore une entrée de l’économie nationale en récession. Gagner le fameux « IndyRef2 » permettra au gouvernement écossais de demander à Bruxelles une discussion ouverte sur le maintien de l’Ecosse en Europe. Il pourrait chercher à obtenir un arrangement de transition qui l’autoriserait à poursuivre sa participation au marché unique, y compris la libre circulation des travailleurs. Tant à Edimbourg qu’à Bruxelles, la tendance risquerait d’être celle de faire de l’Ecosse le 28ème Etat-membre. Simultanément, le gouvernement britannique volerait en éclat.


Richard RoseRichard Rose est professeur en sciences politique à l’Université de Strathclyde, Glasgow. Il est l’auteur de Representing Europeans: a Pragmatic Approach (Presses Universitaires d’Oxford, 2015) et expert pour le programme « UK in a Changing Europe ». Les BreXing News sont un blog de l’EU-Asia Institute qui a dans un premier temps couvert la campagne référendaire au Royaume-Uni du printemps 2016. A partir de l’automne 2016, elles suivent la mise en œuvre du Brexit en publiant des analyses et des points de vue sur les multiples aspects de ce processus complexe.

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