Cher Simon, David Cameron se félicite ouvertement du « deal » qu’il a passé avec l’UE à Bruxelles. Est-ce justifié ?


Cameron, son deal et son rival

D’un point de vue légal, formel, l’accord négocié par Cameron est très mince, ce que n’ont pas manqué de pointer du doigt ceux qui sont en faveur de la sortie de l’Union. Le deal dans son ensemble n’est valable que si le Royaume-Uni décide de rester dans l’UE, et même dans ce cas, les éléments réellement substantiels ne concernent que des engagements à introduire certains points de législations, points qui seront sans aucun doute difficiles à faire valider par le Parlement européen, et qui risquent d’être mis en question par certaines Etats-membres, et même, d’un point de vue légal, par la Cour de Justice Européenne. De surcroît, l’accord ne vit que dans le strict cadre des traités, ce qui signifie qu’il n’induit pas de changement fondamental quant à la forme de l’adhésion, que ce soit pour le Royaume-Uni, ou pour tout autre Etat-membre.

Cependant, d’un point vue politique, l’accord est essentiel pour la position de Cameron. Sans pouvoir brandir ces fameuses « concessions », il aurait été quasi certain de perdre le référendum. Dorénavant, il peut se permettre de dire qu’il a replacé l’adhésion britannique sur des bases acceptables, et les membres de son parti et de son cabinet peuvent utiliser cet argument pour justifier leur campagne pour le maintien du Royaume-Uni dans l’Union. Si les médias se sont particulièrement délectés de la décision du maire de Londres, Boris Johnson, de faire campagne pour la sortie de l’UE et donc contre Cameron, il ne faut pas oublier que ce dernier a réussi à rallier d’autres « poids lourds » à sa cause, notamment les grands noms de son Cabinet, y compris le ministre des finances, George Osborne, et la ministre de l’intérieur, Theresa May. Dans l’opposition entre Cameron et Johnson, on peut voir les prémices de la bataille pour le leadership du parti conservateur qui se jouera dans un an ou deux, puisque Cameron a déjà annoncé qu’il ne se présentera pas pour un troisième mandat de premier ministre. Il y aura donc une compétition pour les rênes du parti au plus tard en 2018/19, afin de pouvoir installer le nouveau chef à temps pour les élections de mai 2020. Maintenant, si Cameron perd le référendum, son parti lui demandera assez vite de démissionner, et dans cette éventualité, Boris Johnson serait du coup idéalement placé pour lui succéder. Ce qui suggère que cette campagne est davantage axée sur des enjeux politiques intérieurs que sur des questions proprement européennes…


Simon Usherwood est professeur en sciences politiques à l’Université de Surrey.Simon-Usherwood-03

Les BreXing News regroupent en un blog des analyses et des points de vue publiés durant la campagne référendaire au Royaume-Uni par l’EU-Asia Institute de l’ESSCA.

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