Cher Chris, En tant que pro-européen et Britannique, quel est ton sentiment quant au référendum qui s’annonce ?
Un pro-Européen devrait-il voter pour la sortie du Royaume-Uni ?
La semaine dernière, on m’a décerné une médaille pour 20 ans d’activité aux seins du service public européen. J’ai consacré toute ma vie professionnelle à l’Union européenne, c’est la cause qui me passionne le plus. Encore étudiant, j’étais activiste au sein du Mouvements des Jeunes Européens, puis j’ai intégré le service public européen avec conviction et je reste fermement convaincu que l’échelon gouvernemental européen est une évolution nécessaire de notre système politique et bénéfique à nous tous. Alors très certainement vous n’hésiterez pas à me mettre dans le camp des défenseurs du maintien de l’adhésion lors du référendum sur le Brexit, n’est-ce pas ? Pourtant, à ce moment même, je ne suis sûr de rien. Je suis juste surpris que l’on ne voie pas plus de choses comme ça :
Si les Britanniques veulent quitter l’UE, laissons les faire: https://t.co/o7YHXOZAbG via @nrc
— Anand Menon (@anandMenon1) 9 décembre 2015
Comme Anand Menon, je suis étonné que nous ne trouvions pas davantage de papiers tels que cet excellent article paru dans le quotidien néerlandais NRC Handelsblad. L’accord négocié par David Cameron avec le Conseil européen est présenté comme positif pour le Royaume-Uni et il y a bien des débats pour savoir si c’est le cas ou non. Mais il sera bien difficile de dire de l’accord qu’il sera positif à la fois pour le Royaume-Uni et pour les 27 autres Etats-membres. Comment pourrait-il l’être ?
L’accord de Cameron cherche à protéger les intérêts du Royaume-Uni, intérêts définis par un gouvernement de droite poussé par son idéologie, et assortis de quelques concessions à la frange nationaliste du parti. L’accord comporte un grand nombre d’aspects totalement insignifiants mais symboliquement représentatifs qui flouteront encore davantage la vision d’une Union européenne en tant que communauté politique post-nationale ; et encore plus nombreux sont les aspects idéologiques qui dilueront l’influence de l’UE en tant que vecteur de justice sociale. Je recommande la lecture de l’article d’Adriaan Schout précédemment cité, qui trace le chemin que nous sommes sur le point d’emprunter. Vous pensiez peut-être que les 27 autres Etats-Membres ne se laisseraient pas enfermer dans un mauvais accord.
Mais l’histoire prouve le contraire. Chez les marchands de tapis du Conseil européen, les considérations politiques à court terme ont bien plus de poids que les visions globales et durables, ce qui explique la belle pagaille dans laquelle nous ont laissés les Traités de Nice, d’Amsterdam et de Lisbonne dans l’Eurozone. L’UE et ses Etats Membres, s’ils agissent de concert, peuvent être une sacrée puissance ; mais lorsque les décisions se prennent au Conseil européen, il s’agit surtout de trouver le maillon faible, ce qui résulte généralement en une Europe timorée et sur la défensive. Si Cameron avait négocié un accord intégrant des réformes utiles au bon fonctionnement de l’Union, la rendant plus efficace, je le soutiendrais avec enthousiasme. Mais tel n’est pas le cas. Et ses compères à la tête des gouvernements européens ont plié en son sens à des fins politiques et pour éviter un scénario dans lequel le Royaume-Uni quitterait l’Union.
Cependant, malgré cet accord, il est encore possible que les Britanniques votent pour la sortie de l’Union. Et même s’ils votent pour rester, la question européenne ne sera pas évacuée. Au contraire : ce ne sera qu’une question de temps avant le prochain « neverendum ». Avec cet accord, le Conseil s’est juste acheté un peu de répit, mais à quel prix ?
En tant que Britannique, je ne vois rien à gagner pour mon pays à quitter l’UE, et beaucoup à perdre. En tant qu’Européen, en revanche, je ne vois pas matière à améliorer notre bien-être collectif en s’évertuant à handicaper l’UE simplement pour apaiser l’un des Etats-Membres. Car nous avons beaucoup à perdre. Malheureusement, le référendum du Brexit aura un impact sur tous les Européens, mais seuls les Britanniques auront le droit de vote. Cela met les votants pro-Européens devant un dilemme de taille : ils vont devoir choisir entre un mauvais accord pour l’Europe et une Europe sans les Britanniques. Personnellement, je vais être terriblement déchiré. Tandis que mon cœur se révolte à l’idée de voter pour le Brexit, je sens également qu’il serait peut-être mieux pour l’Europe de voir le Royaume-Uni quitter l’Union, plutôt que le garder à la faveur d’un mauvais deal.
Chris Kendall est un fonctionnaire de l’union européenne d’origine Anglo-Souabe, oscillant entre Londres et Bruxelles (physiquement, pas politiquement). Son commentaire a d’abord été publié en anglais, merci de ne citer que la version originale, qui fait foi.
Les BreXing News regroupent en un blog des analyses et des points de vue publiés durant la campagne référendaire au Royaume-Uni par l’EU-Asia Institute de l’ESSCA.
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