Pendant la campagne qui a précédé les élections régionales en Catalogne, l’adhésion d’un éventuel futur État catalan à l’Union européenne a été un argument clé des deux côtés. On a entendu tout et son contraire.
Les pro-indépendantistes n’avaient de cesse de réaffirmer leurs convictions européennes, présentant leur pays comme un élève modèle de l’Europe des régions qui serait évidemment accueilli comme nouvel Etat-membre suite à l’expression démocratique de la volonté du peuple.
Les défenseurs de l’unité espagnole brandissaient la menace d’une exclusion quasi-automatique de l’Union européenne (et de l’Euro) comme une conséquence inéluctable de toute sécession. La Catalogne serait obligée de « faire la queue » et de traverser une période pénible de candidature. Même la porte-parole de la Commission européenne a cru nécessaire de faire passer ce message durant la campagne.
La vérité est que personne n’a la moindre idée de ce qui se passera réellement. Tout simplement parce qu’il n’existe pas de précédent dans l’histoire de la construction européenne, et que l’Union n’est pas vraiment préparée à ce cas de figure. Le cas du Groenland, dont la sortie a été négociée à l’amiable avec le Danemark en 1985 n’est pas comparable. D’autres divorces (Tchéquie-Slovaquie, Serbie- Monténégro) se sont passés devant sa porte.
Que prévoit donc le Traité ? Pas grand-chose, à vrai dire ! Implicitement, il précise que l’Union n’entamera de négociation d’accession qu’avec un État pleinement reconnu. Une reconnaissance par la communauté internationale, cela peut prendre du temps, et un gouvernement espagnol rancunier pourrait faire durer le processus auprès de ses partenaires.
Ensuite, il exige implicitement que toute région séparatiste procède dans « le cadre légal de l’État-membre » dont elle relève. En Espagne, ce ne serait certainement pas le cas d’une sécession déclarée de manière unilatérale, et on voit mal pourquoi le gouvernement espagnol changerait la constitution pour le bon plaisir des indépendantistes.
Le Traité engage, enfin, l’Union au « respect pour l’intégrité territoriale » des États-membres, un engagement introduit en 2003 suite à un intense lobbying du … premier ministre espagnol de l’époque, José Maria Aznar. A vrai dire, aucun des leaders européens ne souhaite ouvrir la porte à une “balkanisation” du continent.
Sans oublier que l’article 49 du Traité rappelle la règle du vote à l’unanimité des membres pour l’admission de tout nouvel État. On devine aisément que certains – comme l’Espagne elle-même, mais aussi le Royaume-Uni – se montreront très réticents. Le scénario le plus probable est que l’Europe fera ce qu’elle sait faire de mieux : attendre et observer dans un premier temps, discuter avec tout le monde, tout à la fois ménager les susceptibilités diverses et faire pression sur les uns et les autres, bref : œuvrer patiemment en faveur d’un compromis qui satisfera certes personne pleinement, mais sera acceptable par tous. Pendant toute la période intérimaire qui résulterait d’un déclenchement du processus de séparation par les indépendantistes, le statu quo, y compris la monnaie commune, sera de toute évidence maintenu en Catalogne, car c’est dans l’intérêt de personne d’isoler cette région économiquement. Et pour la suite, on finira bien par s’arranger !