Dimanche prochain, le 20 septembre, des élections anticipées auront lieu en Grèce. Elles ont été provoquées par la démission surprise du gouvernement Tsipras en août dernier. Comme pour d’autres échéances électorales européennes de 2015, l’EU-Asia Institute a invité une experte originaire du pays concerné pour qu’elle nous en explique les enjeux : Anna Visvizi est professeur au Collège Américain de Grèce à Athènes.
Chère Anna,
Alexis Tsipras a montré un certain leadership depuis son élection en janvier. Mais quelle part de crédibilité a-t-il perdu entre les différentes promesses qu’il ne pouvait pas tenir ? A-t-il une chance de se retrouver à la tête du gouvernement pour les prochaines années.
Méfiez-vous des sondages !
Pour les élections anticipées en Grèce, les sondages indiquent désormais un soutien croissant pour les conservateurs de Nouvelle Démocratie, concurrent principal d’Alexis Tsipras et de son parti Syriza. Ceci a fait dire à plus d’un observateur que l’étoile de Tsipras avait pâli. Ils soulignent que l’incapacité du premier ministre grec à tenir ses promesses anti-austérité a considérablement réduit sa crédibilité et qu’il ne sera pas en mesure de mener son parti, désormais débarrassé de ses « frondeurs », vers une nouvelle victoire. Mais pas si vite !
Tsipras est un animal politique brillant qui a compris que ce qui compte vraiment en politique n’est pas ce qu’on a fait, mais comment on présente ce qu’on a fait. Cela s’est vu à nouveau lors du débat télévisé de lundi dernier. Au sujet du troisième plan d’aide accordée à la Grèce, il a prouvé qu’il était capable de retourner son propre échec en succès et même, d’en tirer bénéfice.
Au printemps déjà, la cote de Tsipras n’a pas souffert des frasques et des interventions médiatiques contestables de son ministre des finances, Yanis Varoufakis, qui ont finalement mené à une rupture au sein du gouvernement. L’éviction de Varoufakis a fait l’objet d’une mise en scène fort habile et d’une couverture bien coordonnée dans les tabloïds grecs. Dès le lendemain, le nouveau ministre des finances, Euclid Tsakalotos, faisait la une des journaux, selon le principe « Le roi est mort. Vive le roi ! »
L’électeur grec moyen a été convaincu que Tsipras s’est battu avec courage sur le front de l’Eurogroupe et qu’il a eu au moins, contrairement à ses prédécesseurs, le cran d’organiser un référendum. Ce que ce même électeur ne comprend pas, en revanche, est que ce n’est que sous la menace du « Grexit » que le gouvernement Syriza s’est mis à négocier avec ses créanciers. Il ignore aussi que le fameux référendum du 5 juillet a en vérité été une farce, vu que les Grecs devaient se prononcer sur des propositions qui étaient déjà caduques au moment même du référendum.
Finalement, Alexis Tsipras est tout simplement charmant, pour ne pas dire « magnétique ». C’est son charisme qui lui a valu la sympathie personnelle d’Angela Merkel et Jean-Claude Juncker. Et qui lui vaut le respect de beaucoup de Grecs, notamment des jeunes.
Tous ces facteurs donnent à Tsipras un capital politique hors du commun. Il y a tout un vivier d’électeurs qui ne voteraient plus pour Syriza, mais risquent de donner quand même leur voix à Tsipras, juste en raison de sa personnalité. Il est bien possible qu’il sera malgré tout en mesure de remporter les élections de dimanche.
Sans oublier qu’il possède encore un autre atout : jusqu’ici, la chance a toujours été de son côté. Nous verrons si elle lui reste fidèle dimanche soir.
Anna Visvizi, PhD is professor of international business and
European affairs at the American College of Greece in Athens
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