Ce dimanche, c’est au tour des Portugais de passer devant les urnes. Bien que fragilisé par la crise comme d’autres pays européens, le Portugal n’a pas vu de nouveaux partis émerger de manière significative. Cependant, les partis “historiques” auront bien du mal à obtenir une majorité. Cláudia Toriz Ramos, professeur en sciences politiques à l’Université Fernando Pessoa de Porto, nous livre son analyse.
Chère Cláudia,
Le Portugal a été sévèrement touché par la crise économique et financière depuis 2008. Pourtant, on n’y observe pas l’émergence spectaculaire d’alternatives aux partis établis, comme Podemos en Espagne ou Syriza en Grèce. Comment expliquer cette différence ?
Ni la Grèce ni l’Espagne – le Portugal est différent
En fait, dix nouveaux partis ont été créés depuis le début de la crise en 2008 ! Notamment suite à des dissidences au sein des partis principaux, mais aussi en tant que projets politiques nouveaux. Or, ils ne sont pas assez forts pour obtenir l’un des 230 sièges de l’Assembleia da República.
Il en résulte que les quatre grands partis qui datent de la Révolution des Œillets de 1974-75, malgré leur déclin relatif, dominent toujours la scène politique. Il s’agit de la droite modérée du CDS-Partido Popular, des sociaux-démocrates du PSD, des socialistes du Partido Socialista, et enfin du Partido Comunista Português, qui fait depuis trente ans liste commune avec les écologistes du Partido Ecologista “Os Verdes”.
Depuis 1999, il y a aussi un parti d’extrême gauche, le Bloco de Esquerda (BE) qui a réussi à faire élire des députés.
Depuis la Révolution, le Portugal a toujours été gouverné par le PSD ou le PS, parfois en coalition avec le CDS. Tous les trois ont été fortement en faveur du processus d’intégration européenne, contrairement aux partis d’opposition, plus critiques. Actuellement, la coalition gouvernementale en place semble glisser de plus en plus vers la droite, en poussant la libéralisation économique, les coupes dans les politiques sociales et la réduction du rôle de l’Etat. C’est très probablement dû à la pression exercée par l’Union monétaire européenne.
Il est peu surprenant qu’au Portugal, comme partout, il y ait une forme de désenchantement vis-à-vis de la politique et de la démocratie représentative. On le constate dans les sondages comme dans la participation aux élections. La crise n’a fait que renforcer cette tendance. Elle a aussi fait naître des mouvements citoyens et de nouveaux partis, dont les programmes s’articulent cependant davantage autour du mécontentement et de la protestation qu’autour d’idées politiques précises.
Le BE, qui aurait bien voulu se présenter comme la sœur portugaise de Syriza, compte désormais dans ses rangs des dissidents inspirés par Podemos et originaires du même milieu académique que leurs homologues espagnols. Bien entendu, tout cet éparpillement affaiblit la gauche dans son ensemble.
Le gouvernement n’a eu de cesse de répéter que ‘Nous ne sommes pas la Grèce !’, et effectivement, la crise semble avoir laissé moins de cicatrices. La situation est aussi très différente de l’Espagne, qui connaît une histoire autrement plus douloureuse et reste tiraillée par des régions séparatistes.
Le Portugal a une histoire récente résolument pro-européenne, avec un niveau très bas d’Euroscepticisme. Mais aujourd’hui, c’est en train de changer, et les grands partis ne parviennent plus à bénéficier de l’intégration européenne. La fragmentation de l’échiquier politique est appelée à continuer. Elle rend hautement improbable le scénario d’une majorité absolue pour l’un des partis dimanche prochain.
Cláudia Toriz Ramos, is professor of political science at the Universidade Fernando Pessoa in Porto.
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