Conduire une démarche de Responsabilité Sociale d’Entreprise (RSE) est un projet engageant à plusieurs titres (engagement sur des valeurs, engagement de ressources, engagement des acteurs…), à condition de déployer une véritable démarche, à l’instar de ce que dépeint la norme ISO 26000.
Cela commence par un travail de diagnostic de « matérialité », afin d’appréhender les enjeux de responsabilité sociale pertinents et de s’ouvrir aux parties prenantes prioritaires. Cela se poursuit par le déploiement d’un plan d’action, qui va couvrir les diverses questions centrales[1] en lien avec la RSE.
Enfin, cela passe aussi par un travail de redevabilité et de transparence, concrétisé par l’activité de reporting. Ainsi, faire (vraiment) de la RSE constitue une activité complexe, voire risquée, qui peut décourager de nombreuses structures, notamment les plus petites (TPE, PME).
Pour sortir de cette difficulté, il est possible de s’appuyer sur la réalisation de partenariats entreprises-associations, afin d’amorcer des actions sur des enjeux en lien avec la RSE et de développer une culture de l’approche des parties prenantes, au-delà de la chaine de valeur de l’entreprise.
Les liens entre la RSE et les partenariats
Les partenariats entre entreprises et associations peuvent prendre des formes très différentes (cf. Figure 1), avec des niveaux d’engagement ajustables aux volontés des parties et aux projets sous-jacents. Les partenariats peuvent porter sur une multitude de sujets liés à la RSE. Par exemple, un partenariat de coopération économique peut engager une entreprise avec une association d’insertion autour d’un projet d’économie circulaire. Dans ce cas, le partenariat va couvrir les trois piliers du développement durable ou plusieurs questions centrales de l’ISO 26000 dans un projet concret. En développant une politique partenariale diversifiée, l’entreprise peut aborder les grands sujets de la RSE de manière dissociée et pragmatique. Ces projets permettent d’acculturer l’entreprise avec les ingrédients d’une démarche de RSE et une approche écosystémique de ses activités. Progressivement, elle va acquérir des compétences, un savoir-faire et un savoir-être qui vont lui permettre de faire vraiment de la RSE.
Source : adapté de RAMEAU (2014) Construire ensemble – Guide Entreprises & Associations, p. 27 et 41.
L’éclairage de la théorie des systèmes complexes
La complexité d’une démarche de RSE fait écho au concept de « système complexe » développé par Herbert Simon[2]. En effet, la complexité de la RSE repose bien sur les trois propriétés des systèmes complexes :
- une hétérogénéité d’acteurs (1)
- qui interagissent de manière non-simple (2)
- autour de sujets multiples et variés (3).
Or, cette littérature nous explique également qu’un moyen de gérer la complexité d’un système repose sur la modularisation organisationnelle et cognitive de ce dernier[3].
L’approche modulaire permet de découper le système en connaissances encapsulées, nécessaires au fonctionnement d’un module, et en connaissances partagées qui vont assurer le lien entre les modules et l’intégrité du système. La modularisation du système est un enjeu majeur pour les acteurs.
Simon illustre cette idée à l’aide de la métaphore des horlogers Tempus et Hora. Ces deux horlogers travaillent sur l’élaboration d’un mécanisme complexe de montre, mais seul Hora suit une approche modulaire de son système. Les deux sont régulièrement interrompus par le téléphone, mais seul Hora arrive à progresser dans son projet, car il n’a pas besoin de tout recommencer à chaque interruption, contrairement à Tempus.
Source : adapté de Helfrich, Rimaud, La Tour (2019)
Cette analyse peut être mobilisée pour comprendre ce qui se passe à l’intérieur d’un partenariat (niveau micro) ou pour comprendre comment les partenariats peuvent permettre d’aborder la RSE (niveau macro).
Ainsi, la complexité d’un partenariat sera réduite par cette approche modulaire, où des connaissances peuvent rester encapsulées dans l’entreprise (respectivement dans l’association) alors que d’autres connaissances seront partagées entre les deux pour concrétiser le partenariat (Cf. Figure 2, partie de gauche). La complexité de la RSE sera réduite de la même manière, avec des connaissances encapsulées dans les services de l’entreprise qui pilotent des partenariats, et des connaissances partagées pour favoriser l’intégration des éléments nécessaires à la démarche de RSE (Cf. Figure 2, partie de droite).
A l’instar de l’horloger Hora, une entreprise engagée dans une approche partenariale peut ainsi aborder la complexité de la RSE et ses risques avec plus de sérénité.
Pour aller plus loin : Helfrich, V., Rimaud, M-N. & Dupré La Tour, C. (2019). Aborder la RSE avec des partenariats entreprises-associations: Une approche modulaire de systèmes complexes. Revue française de gestion, 282, 77-93. https://doi.org/10.3166/rfg.2019.00359
[1] L’Iso 26000 identifie 7 questions centrales : Gouvernance, Environnement, Relations et conditions de travail, Droits de l’Homme, Loyauté des pratiques, Questions relatives aux consommateurs, Communautés et développement local.
[2] Simon H. (1962). « The architecture of complexity », Proceedings of the American Philosophy Society, vol. 106, p. 467-482.
[3] Langlois R.N. (2002). « Modularity in technology and organization », Journal of economic behavior & organization. Vol. 49, p.19-37. Cohendet, P, Diani, M., Lerch C., (2005). « Stratégie modulaire dans la conception. Une interprétation en termes de communautés », Revue française de gestion, vol. 5, n°158, p.121-143.
Cette synthèse de recherche a été initialement publiée ici : forum-engagement.org