C’est la saison des examens intermédiaires en milieu du semestre. Et pourquoi cela ne s’appliquerait pas aussi au semestre européen ? Il n’y a pas de raison. Procédons donc à une première évaluation, à mi-mandat, de la présidence allemande du Conseil de l’Union européenne.
C’est un bien curieux exercice qu’il s’agit d’évaluer, cette “présidence tournante du Conseil de l’Union européenne” qui échoit tous les six mois à l’un des Etats-membres.
Dépourvue d’un véritable pouvoir, cette présidence semestrielle n’en est pas moins dotée d’une certaine influence. Car l’Etat-membre concerné est censé se démener pour élaborer des compromis et trouver des solutions à des blocages, ce qui met ses leaders politiques, ses diplomates et fonctionnaires au centre du jeu. Et cela permet de peser sur l’agenda, de mettre en avant certains sujets qu’on souhaiterait faire avancer.
En même temps, cela met la pression ! Car il s’agit de se montrer à la fois capable et soucieux d’œuvrer pour le bien commun de l’Union. Il y a toute une réputation qui se joue durant ses six mois. Et les médias, les ONG, les groupes d’intérêt ne se gênent pas d’étaler des lacunes ou des manquements au grand jour.
Or, le deuxième semestre 2020, nous le vivons tous au jour le jour, n’est pas une période comme les autres. Et à titre personnel, je n’ai pas souvenir d’une présidence autant chargée d’attentes et d’espoirs que celle qui est tombée sur l’Allemagne en ce moment.
Est-elle en train de réussir son semestre ?
Pour évaluer comment elle se dépatouille, nous avons posé cette question, lors d’un webinar public qui s’est tenu le mardi 13 octobre en partenariat avec la Maison de l’Europe d’Angers et du Maine-et-Loire, à un “jury” franco-allemand composé de quatre experts, dont chacun a donné son appréciation sur un des grands dossiers qui sont actuellement sur la table européenne.
Voici le bulletin de notes qui en est ressorti :
Le premier à se prononcer a été Sébastien Maillard, directeur de l’Institut Jacques Delors, qui s’est penché sur l’avancement du plan de relance « Next Generation EU », et le débat sur le prochain cadre financier pluriannuel. Il a octroyé 15 sur 20 à l’Allemagne, notamment pour son effort et son implication dans la mise en œuvre compliquée d’un plan qui lui a imposé une révolution culturelle. C’est une note intermédiaire, elle peut encore grapiller des points d’ici la fin de l’année.
Dans la deuxième matière, le nouveau pacte proposé sur une politique de migration plus solidaire, Gwénola Sebaux, professeure à l’Université Catholique de l’Ouest, tout en reconnaissant les dilemmes inhérents à ce dossier plus que délicat, a considéré que la présidence allemande avait soumis sa copie trop tard pour espérer pouvoir la boucler avant Noël. Ce qui lui a valu une note de 13 sur 20 seulement, malgré sa crédibilité sur le sujet.
Crédibilité qui est moindre dans sa promotion du « European Green Deal ». Jens Althoff, directeur du bureau parisien de la Fondation Heinrich-Boell, ne lui a accordé pas plus de 12 points sur 20. Selon lui, elle est en train de rater le coche en hésitant à conditionner l’argent qui sera dépensé dans le cadre du plan de relance davantage aux objectifs du pacte vert. Et elle ne fait pas non plus tous ses devoirs à la maison, comme on pourrait attendre d’un premier de la classe.
Finalement, 12 sur 20 aussi de la part de Jörn-Carsten Gottwald, professeur à l’Université de la Ruhr et expert des relations avec la Chine. S’il reconnaît à l’Allemagne d’avoir impulsé un changement d’attitude envers la Chine sur le plan européen, il constate aussi les hésitations à adopter une position plus dure et la relative impuissance face à la nouvelle agressivité du pouvoir chinois.
Une moyenne satisfaisante donc, faute d’être brillante, et toujours assortie d’un “peut (encore) mieux faire”.
Il est vrai que la charge de travail est peut-être un peu surdimensionnée ce semestre. A la limite, il faut presque se féliciter qu’elle tombe sur l’étudiante avec les épaules les plus larges. D’autant que le jury était unanime à constater que les résultats de cette présidence et les orientations qui en découleront engagent non seulement l’avenir de l’étudiante en question, mais de toute la classe.