"J'aime contrôler mes subordonnés, les avoir sous la main, à portée de regard pour savoir exactement ce qu'ils font."
C'est rare qu'un manager s'exprimera ainsi. Ce serait même parfois l'inverse. Je me souviens au début de ma carrière au Québec avoir travaillé pour un "professeur humaniste" défendant de belles idées en salles de cours et néanmoins contrôlant le travail de ses stagiaires d'une manière bien différente.
Le pouvoir de contrôle est une pierre d’assise de tout système managérial. Mais quel type de contrôle ?
Le sociologue Amitaï Etzioni, dans « Les organisations modernes » a précisé les différentes formes de contrôle : le contrôle physique se basant sur un pouvoir coercitif, dont l’objectif est de contraindre (dans un pénitencier par exemple).
C’est le contrôle le plus aisé si l’on peut dire. Et le plus dur.
Le contrôle matériel ensuite dont l’objectif est d’accommoder les intérêts (la politique du chèque). Payer quelqu'un pour qu'il parte ou qu'il reste.
Finalement le contrôle symbolique dont l’objectif est de convaincre les employés de la nécessité de bien faire les choses et, implicitement, de s’auto-contrôler. On peut penser aux organisations à mission dont le but dépasse leurs membres (De Gaulle donnant une mission à Leclerc durant la guerre, des pompiers luttant ensemble contre un violent incendie, une vieille entreprise familiale ne transigeant jamais sur la qualité etc.). Chacun comprend les objectifs et les fait siens. Pour le prix Nobel Herbert A. Simon : « Plus la socialisation est efficace, moins grand est le besoin de contrôle »
C’est le contrôle le plus complexe car il est basé sur le sens que l’on donne aux gens, voire l’amour qu’ils ressentent en tant que groupe humain. Ce type de contrôle nécessite un management de grande qualité, une confiance en soi, de l'exemplarité. On le voit éclatant dans certaines équipes sportives, mais il en est de même dans certaines entreprises : un groupe humain efficace, bien sûr ça existe.
La question du contrôle est ainsi toujours lancinante dans nombre d’organisations et la crise du Covid a jeté une lumière crue sur les croyances de nombreux dirigeants, leur insécurité face à une hybridation et au télétravail.
En relief existait cette question qui taraudait nombre de managers : comment pourrais-je aussi bien contrôler mes équipes si je ne les ai pas sous la main en permanence ? Vont-elles faire efficacement le travail sans mon regard, sans l’œil du pouvoir selon Foucault ? Et s’ils font bien leur travail sans moi, devrais-je redéfinir mon rôle, à quoi je sers ? Donc cette crise du Covid et celles qui viendront sont une occasion de réfléchir aux croyances qui habitent les managers et influencent leurs actes parfois dans un sens non voulu. Car il est évidemment possible d’hybrider efficacement une organisation, mais il faut y croire pour porter une innovation avant bien souvent qu’elle ne donne des résultats probants et aussi tenir bon face à des croyances contraires.