Camille Saintives, professeure de marketing, ESSCA Bordeaux
Camille SAINTIVES
Professeure associée de marketing - ESSCA

Article écrit par Camille Saintives (ESSCA) et Hélène Meral (INSEEC) pour The Conversation.


 

Comment les consommateurs perçoivent-ils un emballage simple ? Quels critères associent-ils au produit qu’il contient ?

Dans les rayons des supermarchés, nous voyons de plus en plus d’emballages simples, épurés, minimalistes. À première vue, cela peut sembler être une simple tendance esthétique.

Pourtant, nos récentes recherches montrent que ce type de design influence profondément la manière dont nous percevons les produits alimentaires. Mais sur quels mécanismes repose l’association que nous réalisons entre des emballages minimalistes et des produits plus naturels ?

Moins c’est plus

Notre étude, publiée dans British Food Journal, s’est penchée sur cette question et révèle que les consommateurs associent les emballages minimalistes à des produits plus naturels.

Cette association ne relève pas du hasard.
En effet, le minimalisme dans l’art et le design a toujours véhiculé des valeurs de simplicité et de pureté, et cette perception se répercute désormais sur nos achats alimentaires.

Plus un emballage est minimaliste, moins ce qu’il contient est associé à l’industrialisation ou à l’ajout de substances artificielles. Nous avons l’impression que le produit à l’intérieur est plus « sain », pur, exempt d’additifs, une perception renforcée par les signaux visuels simples et épurés du packaging.

Cette simplification visuelle crée un pont avec l’idée que « moins, c’est plus », un principe que l’on retrouve aussi bien dans la mode, l’art, que dans notre alimentation.

L’unicité, facteur clé de la naturalité perçue

Un facteur important révélé par notre recherche est la perception d’unicité. Les consommateurs voient les produits dans des emballages minimalistes comme uniques (différent des autres), voire artisanaux.
Cette perception d’unicité les amène à penser que le produit a été fabriqué avec des méthodes de production impliquant davantage de savoir-faire humain.

Dans un monde où la robotisation et les procédés industriels sont souvent synonymes de production de masse, l’idée que l’humain est intervenu dans la fabrication d’un produit le rend plus authentique et, par conséquent, plus « naturel ».

L’unicité perçue joue donc ici un rôle central : elle pousse les consommateurs à croire que le produit est singulier, peut-être même « rare ». Et qui dit « rareté », dit souvent une meilleure qualité dans l’esprit des consommateurs.

Cette idée va de pair avec une tendance généralisée dans le marketing à valoriser l’artisanat, les circuits courts et le savoir-faire traditionnel, devenant des éléments de communication à part entière. Un emballage minimaliste semble ainsi renforcer cette perception.

L’emballage donne du goût ?

Nous avons également observé un autre phénomène intéressant : les consommateurs attribuent souvent un meilleur goût aux produits présentés dans des emballages minimalistes.

Cette perception sensorielle amplifie encore l’impression de naturalité. Il semble que, pour les consommateurs, si un produit est perçu comme unique, il doit aussi avoir un meilleur goût, et être donc plus naturel.

Ce phénomène, ou effet de halo, explique pourquoi un emballage sobre peut modifier plusieurs dimensions de la perception d’un produit, du goût jusqu’à sa qualité supposée. En d’autres termes, un emballage simple ne nous fait pas seulement croire que le produit est meilleur, il nous convainc aussi qu’il est plus naturel.

Cela est d’autant plus frappant quand on considère les types de produits que nous avons utilisés dans notre étude : des produits alimentaires de consommation courante comme des crèmes glacées, un produit nutritivement « non sain » et par définition, très sucré, et des soupes, un produit qui, à l’inverse est plutôt perçu comme un produit « sain ».

Nos résultats montrent qu’un simple choix de design peut avoir un impact considérable sur la manière dont nous percevons un produit, indépendamment de sa composition réelle. En effet, nous avons pu confirmer dans les deux cas, que le produit ayant un design minimaliste était perçu comme plus naturel par les individus interrogés.

Réduire les coûts

Ces découvertes offrent des perspectives intéressantes pour les marques.

Face à l’intérêt croissant des consommateurs pour des produits naturels, les marques n’ont pas forcément besoin d’user de la multiplication de labels pour se démarquer. Cette stratégie peut s’avérer particulièrement utile pour les produits alimentaires qui ne répondent pas nécessairement aux critères stricts de la labellisation biologique par exemple, mais qui souhaitent tout de même se positionner comme « naturels » aux yeux des consommateurs.

Le minimalisme devient ainsi un outil de marketing pour renforcer l’image d’un produit sans en modifier la composition. En optant pour des designs minimalistes, les marques peuvent ainsi transmettre ces valeurs de manière implicite et efficace.

Ces résultats invitent cependant à une réflexion plus large sur plusieurs points.

Tout d’abord, le minimalisme pourrait être une manière pour les industriels de réduire leurs coûts.
En effet, des designs épurés nécessitent moins de matériaux et d’impression, ce qui peut constituer une optimisation économique. Mais cette stratégie soulève la question du prix de vente aux consommateurs : si les clients perçoivent ces produits comme plus qualitatifs, cela pourrait justifier un prix plus élevé. Un deal économiquement intéressant pour les marques… mais potentiellement trompeur pour le consommateur ? La question semble légitime. Cela pourrait laisser penser qu’un produit est naturel alors qu’il ne l’est pas réellement, ouvrant la voie à d’éventuels scandales alimentaires ou à démarches juridiques pour « tromperie » dont les associations de consommateurs pourraient s’emparer en cas de déception de la part des clients.

Le risque de saturation

Un second phénomène à prendre en compte est le phénomène de saturation : si toutes les marques adoptent une stratégie minimaliste, comment se démarquer ? L’avantage concurrentiel qu’il procure aujourd’hui risque de s’estomper à mesure que cette stratégie esthétique se transforme en norme.

Une autre question fondamentale pour l’avenir, et notamment dans le secteur industriel, est celle de la réduction des emballages. Au-delà des questions liées au design, l’objectif pour les marques ne devrait-il pas être de diminuer la quantité d’emballage (carton, plastique…), pour répondre à une demande croissante pour des produits plus respectueux de l’environnement, à la fois de la part des consommateurs, mais également des pouvoirs publics.

 

Les stratégies de design minimalistes pourraient cependant constituer le point de départ d’une transition vers la suppression des emballages à terme. La réduction des impressions visuelles non essentielles (les encres d’impression sont des sources de pollution chimiques bien connues, rendant souvent plus difficile le recyclage de certains matériaux) permettrait-elle d’éduquer progressivement le consommateur et de l’amener en douceur vers une meilleure acceptation de la réduction, voire de la suppression progressive des emballages ?

La prochaine fois que vous choisirez un produit dans les rayons, vous laisserez-vous séduire par la simplicité de son emballage, en pensant que le produit que vous achetez est plus naturel ? Nos résultats montrent que ce choix influence profondément, de manière consciente ou inconsciente, la perception que nous avons des produits que nous consommons. Maintenant que vous faites partie des consommateurs éclairés : minimalisme rime-t-il toujours avec naturalité dans votre esprit ?


 

Saintives, C. and Meral, H. (2024), "Is it really natural? How minimalist food packaging influences consumers’ perception of product naturalness", British Food Journal, Vol. 126 No. 11, pp. 3888-3905. https://doi.org/10.1108/BFJ-03-2024-0299

 

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