Une rencontre internationale à la Maison des Sciences de l’Homme de Nantes, 6 Octobre 2017
C’est bien sur le niveau local que je joue l’accueil et l’intégration des réfugiés et de migrants qui arrivent en Europe et qui se répartissent, de manière fort inégale, sur les différents Etats-membres. Les structures d’accueil mises en place diffèrent d’un pays à l’autre, mais il y a un point commun entre des situations par ailleurs fort contrastées : la réussite d’une intégration dépend de l’engagement de la société civile, et les organisations sportives – du petit club de quartier aux ligues régionales – y jouent un rôle prépondérant.
Initier l’échange sur les bonnes pratiques et les difficultés du quotidien, engager la réflexion sur la durabilité de l’engagement citoyen des clubs sportifs en la matière, voilà les objectifs objectif d’une conférence remarquable organisée à Nantes le 6 octobre dernier par le think-tank européen Sport et Citoyenneté et le consortium universitaire régional Alliance Europa, en partenariat avec l’ESSCA Ecole de Management. En tant que membre du conseil scientifique de Sport et Citoyenneté, Albrecht Sonntag, a participé activement à la préparation et à la mise en œuvre de cette manifestation.
A l’ouverture du colloque, Laurent Thieule, directeur au Comité de Régions et président de Sport & Citoyenneté, a constaté que l’Union européenne n’avait pas préparé « le choc des vagues migratoires » depuis 2015. Le plan de relocalisation a échoué, de véritables « camps de concentration » existent désormais le long de la frontière serbo-hongroise. Selon lui, il faudra dans un premier temps reconnaître qu’une grande partie de ces réfugiés vont rester pendant un bon moment. Ensuite, il faudra s’appuyer sur la volonté politique des collectivités territoriales pour accompagner un parcours d’intégration qui s’annonce long. Cette introduction a été complétée par une intervention de Bérengère Taxil (Université d’Angers), qui apportait des clarifications conceptuelles et terminologiques dans le champ sémantique et juridique de la migration et de l’asile.
Deux workshops parallèles se sont ensuite penchés sur des actions concrètes. Dans le premier de ces ateliers, des organismes de différentes tailles et orientations ont présenté leur travail dans le domaine, parmi lesquels les réseaux de supporters européens „Fare“ et „Spin“, bien connus pour leurs multiples actions avec des fans de football à travers le continent. Le cas de Spin (= Sport Inclusion Network), basé à Vienne (Autriche) est particulièrement intéressant dans la mesure où le travail concret avec les réfugiés y est accompagné d’études scientifiques sur le terrain. D’autres interventions concernaient des actions du Conseil de l’Europe ou de la part de collectivités locales de l’Ouest.
Le deuxième atelier donna la parole au clubs. Parmi eux, deux exemples particulièrement remarquables: le FC Kraainem, situé dans la banlieue bruxelloise, qui a fait bénéficier plus de mille réfugiés et migrants d’actions sociales et sportives diverses ces dernières années. Si la réussite de son travail repose tout d’abord sur l’engagement personnel d’un grand nombre de bénévoles, il est aussi parvenu à s’assurer du soutien de financements européens mais aussi de fondations d’entreprises.
Match de solidaritéTrès impressionnant aussi : l’histoire du FC Ente Bagdad, situé dans la ville allemande de Mayence. Son représentant, Stefan Schirmer, a détaillé la grande diversité des actions menées depuis bientôt quarante ans déjà, mais aussi les difficultés qu’un tel club doit affronter dans son effort de s’inscrire son engagement dans la longue durée. Trois autres initiatives, plus modestes, mais très originales, ont présenté leurs travaux dans d’autres disciplines sportives, comme le Badminton, l’Aikido, le Kin-Ball, le tir à l’arc, voire la danse.
Durant la pause de midi, un « match de solidarité » eut lieu sur la pelouse du vénérable Stade Marcel Saupin, dans lequel la Maison des Sciences de l’Homme est intégrée.
En début d’après-midi, les rapporteurs des ateliers du matin, Albrecht Sonntag et Yves Pascouau, soulignèrent dans leur restitution à quel point l’ensemble de la problématique des réfugiés se caractérisait non seulement par une diversité extrème – diversité des situations et des cultures d’origine, diversité des acteurs et des initiatives, diversités des idées et des possibilités budgétaires – mais aussi par une très grande complexité, dans laquelle les problèmes et les difficultés de toute sorte ont tendance à se multiplier. En même temps, le travail des bénévoles n’est guère aidé par le discours dominant, aux connotations de plus en plus négatives, sur la « crise des réfugiés ». Dans une telle configuration, la société civile engagé a plus que jamais besoin du soutien infaillible de la part des institutions – sportives, administratives, éducatives et politiques.
Le podium final fut modérée par Nathalie Iannetta, ancienne experte sur l’antenne de Canal+ et aujourd’hui conseillère spéciale du président de l’UEFA.
Willi Lemke, représentant des fondations du DFB (la fédération allemande de football, particulièrement engagée dans l’intégration des réfugiés à travers le pays), avait fait le voyage malgré les tempêtes qui paralysaient les aéroports du nord de l’Allemagne. Il était en compagnie de Christian Lampin du Secours Populaire, de Fanny Donnarel, responsable « impact et héritage » de Paris2024, et de Japhet N’Doram, ancienne gloire du FC Nantes champion de France 1995, qui était arrivé en France en tant que réfugié tchadien. Le débat, vivant et passionné, mis en lumière à quel point l’échange international sur les initiatives et pratiques du suivi des réfugiés par le sport était souhaité par tous. La proposition de la création d’un observatoire sur cette problématique qui touche à la fois le niveau européen et le niveau local, fut reprise dans leur conclustion par Michel Catala, directeur d’Alliance Europa, et Julian Jappert, directeur de Sport et Citoyenneté.
Ce serait effectivement une excellente idée. Elle donnerait une suite à un moment émouvant du débat qui avait rappelé à tous que le sport ait un rôle important à jouer dans le processus d’intégration des réfugiés, lorsque deux migrants récemment arrivés en France, dans des mots simples, mirent en relief l’importance presque disproportionnée du football dans leur processus intégration, l’effet « libératoire » qu’avait cette activité pour eux, et l’impact qu’elle avait sur leur confiance en soi.
Ce serait aussi l’occasion d’intégrer dans le débat des représentants d’autres pays confrontés à une vague d’arrivées, comme la Suède, l’Italie ou encore la Grèce. Faire de ce colloque aux moyens modestes le début d’un événement récurrent européen, voire d’un véritable réseau, voilà un beau projet d’avenir pour les organisateurs.