En ce moment, les négociations entre le SPD (Sociaux-Démocrates) et le CDU/CSU (Chrétiens Conservateurs) sont la dernière chance de former un gouvernement stable à Berlin. Les dernières élections fédérales du 24 septembre 2017 sont déjà loin et elles ont déstabilisé le système politique allemand. Personne ne l’a vu venir, tout simplement parce que le système était conçu pour être stable.
L’instabilité de la première République de la Weimar, a amené la constitution de l’Allemagne de l’après-guerre à créer des règles comme celle de « la clause de 5% (Sperrklausel) » qui impose aux différents partis d’obtenir au moins 5% des suffrages des listes à la proportionnelle, pour siéger au Bundestag. Cela a permis d’avoir un parlement composé de trois partis dans les années 50 jusqu’à l’entrée des Verts (Die Grünen), comme quatrième parti, dans les années 80. Cette règle a exclu du parlement allemand les partis d’extrême gauche ou d’extrême droite entre 1953 et la réunification en 1990.
Après la réunification les élections ont favorisé l’émergence de l’extrême gauche, Die Linke, successeur du parti communiste, principalement basé en Allemagne de l’Est. Puis les dernières élections de 2017 ont vue l’arrivée de l’extrême droite représentée par l’AFD, qui avec 12,6% devient inquiétant.
L’AFD, parti d’extrême droite (Alternative für Deutschland – alternative pour Allemagne)
Comme quasiment partout en Europe – la France connaît aussi cette situation avec le FN – l’AFD a réussi avec des arguments agressifs, xénophobes à faire une percée avec 94 députés en septembre 2017.
Essayons de comprendre ? On peut pêle-mêle, sans vraiment pouvoir argumenter, critiquer les élites, les dirigeants, ou glorifier le passé sans pouvoir expliquer ce qu’est ou était vraiment la Nation, s’en prendre aux migrants, être xénophobe, sans être confronté à une situation ingérable. Ne serait-ce pas plutôt, un sentiment de pauvreté, ou de réelles inégalités qui seraient le socle de l’AFD ? Pas vraiment ; en Bavière, un des plus riches Länder d’Allemagne, gouverné depuis des décennies par le CSU, où le chômage est d’environ 3% de la population active, l’AFD arrive en troisième position avec 12,4% des voix.
Le FDP (Freie Demokratische Partei – des Libéraux-démocrates) a voulu spéculer Le FDP, a abandonné la politique du compromis en changeant d’orientation, envers la politique européenne et la politique migratoire. La stabilité politique en Allemagne était toujours basée sur la volonté de former un gouvernement de coalition. Le FDP a choisi d’abandonner les négociations avec le CDU/CSU et les Verts. Cette coalition dites « Jamaïcaine » pour les couleurs noir (CDU/CSU), jaune (FDP) et vert (Die Grünen) nécessitait de faire des compromis importants pour le FDP. Lors des dernières élections le président du FDP, Patrick Lindner, a spécule. En abandonnant les négociations après, il se voyait déjà comme le grand gagnant et le nouvel Emmanuel Macron d’Allemagne. Il semble qu’il a perdu et l’Allemagne a perdu un autre élément de la stabilité politique avec son comportement.
Et le SPD, quel rôle, quelle place ?
Le SPD de Martin Schulz, a perdu les élections en 2017, après un deuxième gouvernement de grande coalition avec le CDU/CSU. Les citoyens allemands n’apprécient pas les grandes coalitions. Cette constellation politique laisse le pays sans opposition, ce qui n’est pas bon pour la démocratie. Martin Schulz, était clair, il ne voulait plus de grande coalition. Il voulait être le leader de l’opposition.
La démocratie allemande a besoin d’une confrontation avec l’AFD, pour l’empêcher de devenir le principal parti d’opposition. Parce que des négociations pour la coalition « jamaïcaine » n’ont pas abouti, Martin Schulz a dû revoir sa stratégie. La première grande coalition, après la réunification, était nécessaire en raison de l’accès du Die Linke au Bundestag. Il n’y avait pas d’autre choix pour avoir un gouvernement stable en Allemagne. Pour le dernier gouvernement (2013-17), le FDP n’était pas représenté au Bundestag, pour la première fois depuis 1949. En conséquence le CDU/CSU n’a pas retrouvé son partenaire habituel. Après les élections de 2017, et après l’échec de l’option jamaïcaine, une fois encore, il n’y a pas d’autre solution qu’une grande coalition.
Le choix du SPD a été difficile, il est fragile, parce que à chaque grande coalition avec le CDU/CSU de Angela Merkel, le SPD a été affaiblit.
Europe unie
Il existe un exemple où le SPD a bénéficié de la coalition avec le CDU/CSU. En 1969, Willy Brandt l’a amené au succès électoral. Martin Schulz pourrait-il faire de même ? Brandt avait entamé une ouverture vers l’Est, qui était complètement nouvelle pour l’Allemagne et pour un SPD qui a resté toujours très profondément anti-communiste à cause de la guerre froide. Brandt a fondé une nouvelle histoire, il a su créer une vision positive de l’avenir. Martin Schulz propose une convention constitutionnelle favorisant les Etats-Unis de l’Europe : serait-ce une vision positive de l’avenir ? Un changement fondamental de l’intégration européenne est nécessaire. Martin Schulz a été longtemps président du parlement européen, il connaît les enjeux.
Pour réussir, il doit convaincre les socialistes et les sociaux-démocrates de l’Europe. Le PS en France comme Labour Britannique ont toujours hésité à s’engager vers cette intégration, même si on sait que le marché unique de l’Union européenne nous a apporté la prospérité et que l’Union européenne est la paix entre les peuples d’Europe. Les socialistes, les sociaux-démocrates peuvent construire un avenir positif pour l’Europe. Martin Schulz peut engager le SPD vers une Europe fédérale dans le respect de nos cultures spécifiques qui sont nos richesses.
Nous devons imaginer une nouvelle organisation de la société. C’est un espoir pour l’avenir, c’est en opposition avec la nostalgie du passé qui n’offre aucune perspective pour la jeunesse de l’Europe. Est-on prêt ?