Antonella Forganni, chercheure associée à l’EU-Asia Institute de l’ESSCA, revient sur les élections régionales en Italie du 31 mai dernier. Comme nous l’avions annoncé, les élections administratives et régionales du 31 mai ont été une premier test grandeur nature pour le Président du Conseil, Matteo Renzi. Test qui s’est avéré non concluant, pour plusieurs raisons.
Certes, son ‘Partito Democratico’ (centre-gauche), a conquis cinq régions sur sept, mais son score de seulement 23% du vote a été loin des 41% enregistrés lors des élections européennes du printemps 2014. Comme les sondages l’avaient prédit, ‘Forza Italia’, le parti de Berlusconi, s’est encore affaibli, mais l’extrême droite représentée par la ‘Lega Nord’ et l’inclassable ‘Mouvement 5 Etoiles’ du comique Beppe Grillo – qui a su attirer une partie des électeurs de gauche mécontents des réformes engagés par le gouvernement – représentent plus que jamais une menace pour Renzi. Ce dernier a aussi fort à faire avec les dissensions internes à son parti. Ils lui ont fait perdre la région de la Ligurie, où la gauche était divisée entre un parti officiellement soutenu par le Partito Democratico (PD) et un candidat issu de ses rangs mais se présentant à la tête d’une liste autonome. Cependant, au-delà des mouvements de l’échiquier politique, deux autres fait sont particulièrement préoccupantes : D’abord, la participation très basse. Si elle a été attendue, elle n’est pas moins inquiétante pour autant. Seuls 52% des électeurs sont allés voter ; en 2010, ils étaient encore 61%. La méfiance envers les politiques, considérés comme incapables de sortir le pays de la crise et, plus généralement, de construire une société meilleure. Il y a même eu des cas extrêmes : selon les médias, dans la commune de Castelvecchio Calviso, au centre de l’Italie, il y a eu, sur 277 électeurs inscrits, un seul vote valide et quatre bulletins blancs…
Deuxièmement, et encore plus inquiétant, il y a des municipalités en Italie où il est trop dangereux de se présenter aux élections. Dans le village de Plati, en Calabrie, où l’administration municipale a été dissoute plus d’une fois durant ces dernières années pour être infiltrée par le crime organisée, la commune a été placée sous tutelle de l’Etat. Comme le soir du 30 mai, aucune candidature n’avait été enregistrée, les élections n’ont tout simplement pas eu lieu. Cette situation a été bien résumée par le procureur national anti-mafia Grasso lorsqu’il disait que dans certaines municipalités, c’est en fait l’Etat qui devra infiltrer l’administration. Tout cela n’est pas nouveau, mais on aurait tort de sous-estimer ces faits. L’Italie aurait intérêt à ne pas s’habituer à l’absence de candidats ou d’électeurs. Cette absence est un symptôme d’un malaise qu’il faut éradiquer. La République devrait redoubler d’effort dans ses campagnes de communication, afin de susciter une prise de conscience. Et elle devrait repenser et renforcer l’enseignement civique dans les écoles qu’Aldo Moro avait la clairvoyance d’introduire en 1958.
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Antonella Forganni est juriste, originaire de la région de Lombardie, enseignante en études européennes et chercheure associée à l’EU-Asia Institute de l’ESSCA.