A deux jours des élections législatives au Portugal, nous nous interrogeons sur l’attitude des Portugais au regard de l’Union Européenne. Euroscepticisme, Germanophobie ? L’experte Cláudia Toriz Ramos, professeur en sciences politiques à l’Université Fernando Pessoa de Porto, répond à cette question.
Chère Cláudia,
Les réformes budgétaires et socio-économiques imposées au Portugal par l’Eurozone ont-elles participé au développement de phénomènes tels que l’Euroscepticisme, voire la Germanophobie ? Qui juge-t-on responsable de la crise qu’a connue le pays ?
Les Portugais sont-ils fatigués de l’Europe ?
Le gouvernement actuel de centre-droite a réussi à appliquer le plan de sauvetage pour le Portugal sans être confrontée à de sévères dissensions. Heureux hasard du calendrier, la coalition au pouvoir avait en effet remporté les élections immédiatement après la signature du mémorandum par le précédent gouvernement (socialiste) en mai 2011, et son programme électoral prévoyait déjà des mesures drastiques. Ainsi, la question d’un manque de légitimité démocratique ne s’est pas posée.
Cependant, au fur et à mesure que les conséquences du plan de redressement sont devenues plus tangibles, le soutien populaire a commencé à se déliter. Il y a eu des moments de grande tension, comme lors des grandes manifestations en 2012 qui ont réuni plus d’un million de citoyens à travers le pays, ou encore lorsque des réformes planifiées par le gouvernement furent systématiquement retoquées par la Cour Constitutionnelle. Et fin de compte, les revenus des foyers ont diminué de manière substantielle, le chômage a augmenté et les politiques sociales ont été sévèrement amputées. La relance économique semble encore hésitante, même si quelques indicateurs sont désormais plus encourageants.
Les belles années de l’intégration européenne sont révolues … même si les Portugais n’ont pas une perception de l’Europe aussi négative que ce que l’on pourrait croire. Le discours gouvernemental a été très habile : le chemin parcouru depuis « la faute » (attribuée aux « mauvais » gouvernements précédents qui ont dû appeler la « troïka » à la rescousse) jusqu’à la « rédemption » (obtenue par le « bon » gouvernement actuel) a été présenté comme une belle réussite collective.
Ceci dit, ce n’est pas l’avis de tout le monde. Certains intellectuels ont contesté avec force les choix gouvernementaux en matière d’économie. Ils ont critiqué le plan d’austérité, à la fois pour son inefficacité et pour son orientation idéologique néo-libérale. Le Manifeste des 70 Economistes pour la restructuration de la dette, et contre l’austérité, en est une bonne illustration. Les partis hors du centre, notamment à gauche, ont également renforcé leurs critiques à l’égard de l’Union Européenne, associées au capitalisme financier global et au néo-libéralisme.
L’idée selon laquelle l’Allemagne profiterait de la position périphérique du Portugal au travers des intérêts sur les prêts et de la main d’œuvre bon marché, s’est banalisée, notamment sur les réseaux sociaux mais aussi dans le débat public. Là encore, c’est avant tout la position des partis de gauche, et il ne s’agit pas de cibler le peuple allemand, mais la Chancelière et son gouvernement.
Globalement, comme le confirment les sondages, les Portugais sont attachés à l’Euro, mais ils ne sont pas satisfaits par les politiques menées actuellement. La question serait donc de savoir si la population considère que ces politiques sont temporaires et réversibles ou si elle pense que ces contraintes vont se pérenniser. La confiance en l’avenir est donc cruciale et le parti capable de susciter un élan de confiance et d’espoir gagnera des votes.
Cláudia Toriz Ramos, is professor of political science at the Universidade Fernando Pessoa in Porto.
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