Au lendemain des élections législatives au Portugal, Cláudia Toriz Ramos professeur en sciences politiques à l’Université Fernando Pessoa de Porto, nous livre son analyse.
Chère Cláudia,
Alors, ces résultats ?
Elections au Portugal : les résultats et ce qu’il faut en penser
Le Portugal a voté et voici les résultats : il s’agit d’une étrange victoire du PaF, la coalition de centre-droite actuellement au gouvernement, qui a remporté 38,34% des suffrages et 104 sièges (sur un total de 230), mais qui a perdu la majorité absolue conquise en 2011, lorsque le plan de sauvetage commençait à être appliqué. Aucun autre parti de droite n’a remporté de siège au parlement.
A gauche, le parti socialiste de centre-gauche arrive deuxième avec 32,38% des votes et 85 sièges. Le BE (l’alter ego portugais de Syriza en Grèce) obtient un résultat historique avec 10,22% et 19 sièges, tandis qu’aucun autre de ses concurrents directs (les petits partis dissidents issus de ses rangs) n’ont obtenu de siège. L’habituelle coalition composée de communistes et d’écologistes a remporté 17 sièges avec 8,27% des suffrages. Et enfin, un siège est allé à un nouveau venu : le PAN (« Peuple, Animaux et Nature »).
Notons que les résultats sont encore provisoire, car les votes de la diaspora portugais à l’étranger (en principe 4 sièges) sont encore comptés. Ce qui est sûr, c’est que le taux de participation a été faible. Avec 56,93%, il est plus faible que lors des précédentes élections législatives.
Comment interpréter ces résultats ?
Comme annoncé par les sondages pré-électoraux, les partis du centre n’ont pas accusé de perte de voix aussi importante que dans d’autres pays d’Europe du Sud. Ceci étant dit, la coalition au pouvoir a sévèrement régressé au regard de ses résultats de 2011 (129 sièges). En même temps, son concurrent direct, le PS, n’en a guère profité et affiche une progression très relative, de 73 à 85 sièges. Ceci signifie que si le PS n’a pas été balayé par la crise économique, il en a été très sérieusement heurté. Dans l’opinion publique, il reste lié aux origines de cette crise, tandis que le gouvernement en place est perçu comme celui qui a contribué à dépasser la crise.
De son côté, le BE capitalise sur le mécontentement de la gauche radicale, un terrain que le PS n’a pas pu investir. Enfin, ceux parmi les électeurs du centre qui sont désenchantés par la politique, plutôt que de glisser vers la gauche, ont surtout fait augmenter l’abstention.
A quoi s’attendre ?
C’est au Président de la République de nommer le Premier Ministre, et il devrait s’agir du leader du parti qui a remporté le plus grand nombre de sièges au Parlement, à savoir le Premier Ministre actuel, Pedro Passos Coelho. Mais à moins que certains arrangements ne se fassent jour (comme une coalition avec le PS, ce qui semble peu probable compte tenu du passif des deux groupes, mais ce que pourrait souhaiter le Président), cela signifie que le Portugal aura un gouvernement minoritaire qui devra composer au cas par cas avec les autres partis représentés au Parlement. En définitive, ce pourrait être une expérience positive pour la démocratie portugaise, au sein de laquelle les gouvernements minoritaires ont souvent été synonymes d’instabilité, contrairement aux expériences probantes d’autres pays européens.
L’autre (im)possible alternative : une coalition des partis de gauche. Après tout, la gauche rassemblée a nettement remporté la majorité des sièges, mais les trois partis ne semblent pas avoir assez de terrains communs, si ce n’est l’antipathie réciproque.
Conclusion :
La tendance observée dans d’autres pays du Sud de l’Europe (le déclin des partis du centre pro-européen) se dessine également au Portugal mais de manière plus subtile. Les mouvements de protestation politique (principalement incarnés par le BE), en revanche, y ont pris également racine.
Cláudia Toriz Ramos, is professor of political science at the Universidade Fernando Pessoa in Porto.
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