Premier volet de quatre analyses politiques sur la Pologne avant les élections législatives du dimanche 25 octobre, par Michał Buchowski, professeur d’anthropologie à l’Université Adam Mickiewicz de Poznań.
Cher Michał,
La Pologne est devenue un partenaire incontournable en Europe, et pourtant, son paysage politique reste très opaque pour les Occidentaux. Quelle est la configuration des forces politiques avant les élections de dimanche prochain ?
Le retour des populistes ?
Au cours de la dernière décennie, deux partis principaux ont dominé la lutte pour le pouvoir en Pologne. Le premier, la « Plateforme Civique » de centre-droit (Platforma Obywatelska – PO), a été au pouvoir pendant huit ans. Il est aujourd’hui défié par la droite populiste du parti « Droit et Justice » (Prawo i Sprawiedliwosc – PiS).
Les noms de quelques personnalités peuvent aider à mieux situer ces partis. La Plateforme Civique est le parti de Donald Tusk, co-fondateur du mouvement et premier ministre de 2007 à 2014, avant de rejoindre Bruxelles pour y assumer le poste de Président du Conseil Européen (la réunion des chefs de gouvernements). Le leader de Droit et Justice est Jaroslaw Kaczynski, le frère jumeau de l’ancien président polonais qui a été victime, en 2010, d’un accident d’avion.
Il y a d’autres formations en lice pour ces élections législatives : une coalition de la « Gauche Unie », le vieux parti de paysans, un mouvement néo-libéral récent du nom de « Modern.pl » (Nowoczesna.pl), et le parti KORWIN, à la fois ultra-libéral et ultra-conservateur, dont le nom est le patronyme d’un député européen connu à Bruxelles pour ses sorties tonitruantes et volontairement choquantes. Puis il y a le parti anti-establishment nommé « Kukiz’ 15 » d’après son leader, le chanteur de rock Pawel Kukiz.
Une initiative citoyenne, née récemment dans les milieux urbains plutôt à gauche et nommée « Ensemble » demeure pour l’instant encore très insignifiante et ne jouera aucun rôle lors de ces élections.
Les sondages les plus récents donnent le PiS de Kaczynski gagnant avec 32% des votes, alors que la Plateforme Civique arriverait deuxième avec 22% d’intentions de votes. La Gauche Unie semble pouvoir compter sur 10% des suffrages. Elle est suivie par les quatre autres partis mentionnés ci-dessous qui tournent tous autour de 5%. Ce n’est pas anodin, car le seuil pour obtenir des sièges dans le « Sejm », comme les Polonais appellent leur Parlement, est justement fixé à 5%, comme en Allemagne (8% pour des coalitions pré-électorales). 13% des électeurs se déclarent encore indécis à une semaine de l’échéance.
En résumé, tout semble indiquer que la majorité des sièges au Parlement sera répartie entre deux partis de droite, entre le PiS populiste et le PO centriste. Tout le reste est incertain, et la future coalition au pouvoir dépendra des partis qui auront réussi à franchir le seuil des 5%. L’histoire récente suggère cependant que l’engagement dans une coalition avec le PiS peut mal se finir : l’ancien parti populiste Samoobrona (« Auto-défense »), partenaire gouvernemental entre 2005 et 2007, n’y a pas survécu…
Michał Buchowski est professeur d’anthropologie à l’Université Adam Mickiewicz de Poznań
et titulaire de la chaire en Etudes sur l’Europe Centrale à l’Université Viadrina de Francfort-sur-l’Oder.
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