Troisième volet de quatre analyses politiques sur la Pologne avant les élections législatives du dimanche 25 octobre, par Michał Buchowski, professeur d’anthropologie à l’Université Adam Mickiewicz de Poznań.
Cher Michal,
Contrairement à l’Europe occidentale, la Pologne est encore très influencée par les valeurs religieuses. Comment expliquer cette différence ?
Le Catholicisme dans l’équation des élections.
Il est vrai que les valeurs religieuses ont encore beaucoup de poids en Pologne. Contrairement à la France, où l’état laïc est perçu comme étant « progressiste » et où la religion est reléguée à la sphère privée, le Catholicisme est très présent dans le débat public en Pologne.
La religion a de l’influence sur les élections, de deux manières.
Tout d’abord, elle est intimement liée aux valeurs nationalistes. Elle gonfle le nombre de soutiens au parti qui en fait la promotion de la manière la plus criante, à savoir le PiS (Law and Justice), même si dans leur rhétorique, le nationalisme se déguise sous l’habit de la « tradition patriotique ». Le PiS a réussi à imposer un monopole idéologique dans le domaine de la symbolique patriotique et à convaincre la grande majorité de la société que ce sont eux les seuls véritables héritiers de la « vraie » Pologne, prêts à la défendre contre tous les dangers extérieurs. A leurs yeux, quiconque pense différemment n’est pas un authentique Polonais.
La portée de cette posture et de cette rhétorique peut s’expliquer en termes de peur culturelle. Dans chaque société où l’on fait face à des mutations rapides, la vitesse du développement fait que le changement devient illisible et déstabilisant et les gens cherchent refuge dans des valeurs réconfortantes. En cela, la communauté nationale prend la forme d’un « havre de paix ».
Deuxièmement, le Catholicisme fait partie de l’ensemble « tradition et sécurité ». Dans sa volonté de se présenter tel le gardien des traditions, le PiS soutient tous les postulats de l’Eglise catholique concernant les questions morales telles que l’avortement, la procréation in vitro ou le mariage gay. A ce niveau idéologique, la famille (traditionnelle) est représentée comme le centre de l’univers.
Dans la vie quotidienne, bien des individus pratiquent un catholicisme purement « rituel » : la fréquentation régulière des églises est en déclin constant, les « valeurs incontestables » de l’Eglise catholique ne sont pas réellement respectées dans la vie sociale, les prêtres et les évêques sont sévèrement critiqués dans l’opinion publique.
Prenons juste un exemple : virtuellement, tous les fans de football en Pologne sont des patriotes, pour ne pas dire de véritables chauvins, et la plupart d’entre eux soutiennent les partis de l’aile droite. Mais ils sont très peu à être religieux et la plupart d’entre eux piétinent de nombreux principes de la moralité catholique – violence, drogues (sans parler de leurs comportements sexuels).
En conclusion, si l’influence concrète des valeurs catholiques sur la vie quotidienne de la société polonaise n’est que très relative, la connexion rhétorique entre « la vraie Pologne », le nationalisme et le catholicisme ne peut pas être sans portée sur le comportement électoral et les résultats des élections.
Michał Buchowski est professeur d’anthropologie à l’Université Adam Mickiewicz de Poznań
et titulaire de la chaire en Etudes sur l’Europe Centrale à l’Université Viadrina de Francfort-sur-l’Oder.
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