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Affiches électorales à Vienne.

Tout d’un coup, on s’intéresse pour l’Autriche !

Mais que se passe-t-il en Autriche ? Depuis, le 23 mai 2016 et le second tour des élections présidentielles autrichiennes annulé par la Cour Constitutionnel, les commentateurs européens froncent les sourcils en regardant le petit pays des Alpes de plus près. Dimanche prochain, 4 décembre, les Autrichiens se rendront donc aux urnes pour la troisième fois en seulement huit mois afin d’élire leur Président.

Que faut-il en conclure ? Que les Autrichiens ne penchent pas seulement dangereusement vers la droite, mais s’avèrent même incapables d’organiser correctement leurs élections ? Et qu’est-ce que cela dit sur l’état actuel de l’Autriche ?

Un choix entre deux extrêmes

Ce que voient les Européens dans ces élections, c’est l’opposition de deux extrêmes : Norbert Hofer, représentant des nationalistes du Parti de la Liberté, et Alexander van der Bellen, formellement indépendant mais en tant qu’ancien leader des Verts clairement à gauche. Ces deux candidats incarnent effectivement les extrêmes de l’échiquier politique autrichien, et la campagne du premier tour montrait déjà qu’ils détestent cordialement les idées (et la personnalité) de l’autre.

Leur duel est le fruit du système électoral à deux tours, que la France connaît bien. Lors du premier tour, le 24 avril, un large éventail politique était représenté par les six candidats en lice. Hofer et Van der Bellen en sont sortis vainqueurs, avec 35% et 21% des votes respectivement. Il en résulte que le second tour oppose ceux qui représentent les deux extrêmes de l’offre politique initiale. Impossible en France ?

La polémique du deuxième tour

Dimanche, 22 mai, au soir.

Dimanche, 22 mai, au soir.

Le second tour du 22 mai n’a en tout cas pas manqué de suspense dramatique. En raison de la marge étroite entre les deux candidats, les résultats n’ont pas pu être annoncés comme à l’habitude dimanche vers 17h00. Les Autrichiens ont dû attendre le lendemain pour apprendre qu’avec une participation relativement élevée de 72,7%, Alexander van der Bellen était déclaré élu avec un score de 50,35%, ce qui représente une avance de seulement 30 863 votes sur son rival. Immédiatement, des rumeurs de fraude ont fait leur apparition, d’autant plus que dimanche soir, la tendance avait été en faveur de Norbert Hofer, avant le comptage des votes par correspondance. Or, pas moins qu’un sixième des électeurs inscrits avait fait usage de ce type de vote – un record – et leur soutien a fait basculer le résultat en faveur de Van der Bellen.

Malheureusement, il y avait eu des irrégularités. Le décompte du vote par correspondance se fait normalement le lendemain, en présence de tous les membres de la commission électorale de chaque circonscription. Cependant, après le 23 mai, il y a été prouvé qu’à certains endroits, les enveloppes avaient déjà été ouvertes le dimanche et dans d’autres districts, la commission n’avait pas été au complet. Le Parti de la Liberté a donc fait appel devant la Cour Constitutionnelle qui annula, le 1er juillet, le vote pour vice de procédure, tout en soulignant qu’il n’y avait pas eu fraude.

Le Parti de la Liberté a profité de cette « victoire » juridique pour proclamer que leur candidat était le vainqueur moral. Aujourd’hui, les sondages pronostiquent un léger avantage pour Hofer. Son parti semble plus apte à mobiliser son électorat, alors que ceux qui ont voté pour Van der Bellen comme le moindre mal semblent plutôt démotivés.

Quel est le rôle du président?

En quoi tout cela est-il important ? Le Président, à quoi sert-il ? Après tout, contrairement à la France, l’Autriche est une démocratie parlementaire. Ceci dit, le pouvoir de son président est plus fort que celui dans des régimes similaires (comme l’Allemagne), puisqu’il détient une fonction de contrôle et de garant au sein de la IIe République depuis 1945, notamment depuis la pleine souveraineté retrouvée en 1955.

Bien sûr, la politique quotidienne est l’affaire du gouvernement et du parlement, mais le président a quelques prérogatives : représenter la République à l’étranger, confirmer la constitutionnalité des lois, mais aussi commander en chef les forces armées, nommer et renvoyer le gouvernement, et surtout dissoudre le parlement.

Tout cela lui donne un pouvoir fort, même si, jusqu’ici, il ne l’a guère utilisé, puisque de toute façon, il a toujours été affilié aux partis de la majorité. Lundi prochain, cela pourrait ne plus être le cas, et Norbert Hofer a indiqué à plusieurs reprises qu’il comptait être un président actif qui utilisera l’ensemble de ses pouvoirs.

Quel impact ?

Mais cette élection a encore un autre impact : ses polémiques ne font que renforcer la méfiance générale envers les élites et la politique politicienne des partis. La campagne a aussi mis à nu les clivages qui divisent le pays : la citadins ont voté pour Van der Bellen, alors que Hofer a le soutien des ruraux ; les femmes et les moins de 30 ans sont soutiennent majoritairement Van der Bellen, tandis que les hommes et 30 à 49 ans préfèrent Hofer. C’est une situation inédite en Autriche : « un pays coupé en deux au milieu », comme le résume la couverture du magazine Profil.

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Durant la campagne, plus d’un électeur a été dégoûté par les attaques personnelles contre les deux candidats et par un discours vide de substance et d’idées acceptables pour la majorité des Autrichiens. Comme dans d’autres pays européens, un nombre croissant de citoyens ne sent plus représentés par la classe politique, et surtout pas par les polémiques stériles au sein de la faible coalition au pouvoir, formée par les partis traditionnels des conservateurs et des sociaux-démocrates. Etre confronté un choix improbable entre deux extrêmes – un ancien universitaire écologiste qui a dépassé les 70 ans et un nationaliste déclaré d’une droite agressive – risque d’éloigner les électeurs plutôt que de les inciter à participer au débat politique.

Pour l’Europe, les conséquences seront limitées : Van der Bellen souhaite une Autriche forte dans une Europe encore plus forte, tandis que Hofer a rapidement mis dans le placard son appel à un « Öxit » suite au référendum britannique…


heidi-maurer

Heidi Maurer est docteur en sciences politiques
et professeur assistant à l’Université de Maastricht depuis 2008.,
à la faculté des Arts des Sciences Sociales
C’est une experte reconnue en politique étrangère de l’Union européenne,
mais aussi en méthodes pédagogiques.

A suivre sur Twitter @heidi_maurer

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