On a pu entendre un grand « ouf » de soulagement à travers l’Europe le soir du 4 décembre, lorsque les résultats du « second tour bis repetita » des présidentielles autrichiennes ont été annoncés. Le candidat de la gauche pro-européenne Alexander Van der Bellen avait effectivement battu à nouveau son rival de la droite populiste (Parti de la Liberté) avec un score de 53,8% contre 46,2% des votes. Cela fait même de l’Autriche le premier Etat européen à se doter d’un président issu du mouvement écologiste élu au suffrage universel direct !
Mais cela signifie-t-il pour autant que l’Autriche a résisté à la tentation de céder au populisme ? Le cas autrichien s’érige-t-il vraiment en contre-modèle de ce qui s’est passé aux Etats-Unis avec Donald Trump et au Royaume-Uni avec le Brexit ?
On peut en douter. Certes, il faut reconnaître que le candidat de la droite populiste n’a pas remporté cette bataille. Désormais, l’Autriche se parera d’un Président progressiste qui défend des valeurs de solidarité, de tolérance et se bat pour une communauté européenne forte. Cependant, il ne faut pas se leurrer : malgré sa défaite, Norbert Hofer a rassemblé pas si loin de la moitié des électeurs derrière lui. En d’autres termes, près de la moitié de l’électorat a estimé qu’il était le meilleur choix pour représenter le pays.
Pour le Parti de la Liberté, c’est un succès qui représente le meilleur résultat de son histoire. Jusqu’ici, en tout cas. Cette réussite jette dores et déjà une ombre sur les législatives, normalement programmées pour 2018. A moins que la coalition gouvernementale fragile entre les Sociaux-Démocrates (SPÖ) et les Conservateurs (ÖVP) ne tienne même pas jusque-là, ce qui semble se dessiner de plus en plus clairement.
Et des élections anticipées pourraient s’avérer une aubaine pour le Parti de la Liberté (FPÖ). Beaucoup d’électeurs qui n’avaient jamais voté pour eux l’ont été amenés à le faire lors de ces présidentielles, face à l’alternative d’un candidat de gauche, progressiste et vert. Pour une partie de l’électorat, ce passage à l’acte a sans doute brisé un tabou et baissé le seuil d’inhibition pour un vote identique à la prochaine occasion. La stigmatisation associée au parti populiste souvent qualifié d’extrême-droite a été affaibli. Voter pour le FPÖ est désormais socialement plus acceptable. C’est là une « processus de dédiabolisation » que les Français devraient bien reconnaître…
Certains experts félicitent même le FPÖ d’avoir échoué de près dans sa quête de la présidence. Un succès aurait pu réduire leur potentiel électoral pour les législatives qui décideront du prochain gouvernement. En ce moment, la majorité des sondages nationaux les donnent gagnants, ce qui pourrait produire la situation cocasse où le nouveau président Van der Bellen serait obligé de charger le FPÖ de la constitution d’un gouvernement et de nommer son leader Chancelier de la République ! Qui plus est, le FPÖ monte aussi inexorablement dans la plupart des régions : dans les Länder de Styrie, Haute-Autriche et Vienne, des enquêtes récentes le placent désormais en tête des intentions de vote. En Haute-Autriche et dans le Burgenland, le parti est déjà entré comme partenaire dans des coalitions gouvernementales, ce qui renforce deux tendances importantes : d’un côté, le FPÖ accumule l’expérience de la responsabilité dans la conduite des affaires publiques, et de l’autre côté, les partis traditionnels sont forcés d’explorer de nouvelles options de coalitions. Ce qui se fait sur le plan régional prépare souvent la voie pour le niveau national.
La bonne réponse à la question de savoir si l’Autriche a infligé une défaite au populisme est « oui, pour l’instant ». Une fois de plus, le FPÖ a été contenu en dehors des plus hautes fonctions du pays. Mais cette fois-ci, la course se faisait au coude-à-coude, et le résultat de ce second tour ne fait que montrer au grand jour tout le potentiel électoral du Parti de la Liberté.
Vanessa Marent is a PhD Fellow in Austrian Politics in Comparative European Perspective
at the Department of Political Science at the University of Salzburg (Austria).
Her research focuses on gender and populism and the success of populist parties across Western Europe.
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