Le 7 mai prochain, le Royaume-Uni tiendra ses élections générales. Dans une série de mails, Simon Usherwood, professeur en sciences politiques à l’Université du Surrey, nous en décortique les enjeux principaux.
Dear Simon,
Contrairement à la France ou l’Allemagne, le Royaume-Uni n’a jamais eu un parti écologiste dans un gouvernement. Quelle est l’influence réelle du parti vert actuel ?
Le « British Green Party » a été fondé à peu près en même temps que ses cousins sur le continent, c’est-à-dire au début des années 1970. Contrairement à eux, cependant, le parti a longtemps adopté une doctrine radicale selon laquelle le système politique lui-même était fondamentalement incompatible avec une politique en faveur de l’environnement, ce qui a eu pour résultat que le parti n’est pas entré dans la compétition politique avant la fin des années 1980.
Une telle posture, combinée avec le scrutin majoritaire en vigueur au Royaume-Uni, a rendu quasi-impossible pour les Greens d’obtenir quelque siège que ce soit. Du coup, ils n’avaient aucune alternative à la stratégie de concentration de tous leurs efforts électoraux sur des endroits où ils pourraient éventuellement avoir un succès local. Ce n’est qu’en 2010 que cette stratégie a fini par payer, lorsqu’un député vert fut élu à Brighton, dans le sud de l’Angleterre. Ce qui ne change rien au fait que le parti reste cloîtré dans une position marginale sur l’échiquier politique. Préserver ce siège de député en mai serait déjà un succès, en obtenir davantage relèverait du miracle.
Cela donne une situation paradoxale : alors que les Greens peuvent prétendre être le troisième parti britannique en nombre d’adhérents, leur influence sur les politiques menées reste très limitée. Le mieux qu’ils puissent faire est de dénoncer régulièrement l’hypocrisie des autres partis lorsque ceux-ci se mettent à « verdir » leur discours sur l’importance de l’environnement, sans pour autant y mettre de la substance. Cela ne changera qu’au moment où une nouvelle coalition de gouvernement aura vraiment besoin de leur soutien.
Que les Greens ne parviennent pas à se positionner clairement sur l’éventail idéologique n’arrange pas leurs affaires. Sur cet aspect, ils ressemblent probablement davantage à leurs homologues allemands, ni de gauche ni de droite, qu’à leurs collègues français, qui revendiquent leur appartenance à la gauche. Du coup, ils sont en compétition non seulement avec les Travaillistes, mais aussi avec les Libéraux-Démocrates. Comme ces derniers ont souffert sérieusement de leur participation au gouvernement actuel, cela pourrait jouer en faveur des Greens le jour des élections.
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Simon Usherwood est politologue,
il enseigne les études européennes à l’Université du Surrey.
Spécialiste des partis politiques britanniques,
il est l’auteur d’un blog remarqué sur l’euroscepticisme.