Le 7 mai prochain, le Royaume-Uni tiendra ses élections générales. Dans une série de mails, Simon Usherwood, professeur en sciences politiques à l’Université du Surrey, nous en décortique les enjeux principaux.
Dear Simon,
Quel genre de parti est le fameux « UKIP » – « United Kingdom Independence Party » dont on entend parler de plus en plus ? Peut-on le comparer au Front National ?
L’UKIP est un cas à part. Il est souvent comparé à d’autres partis d’extrême-droite en Europe, mais il est en fait très spécifiquement britannique.
Le parti a été créé au début des années 1990, avec pour seul but de faire sortie le Royaume-Uni de l’Union Européenne. Depuis, il a élargi son portefeuille, notamment en réclamant un meilleur contrôle de l’immigration. Il faut cependant reconnaître que malgré son penchant à droite, il a toujours su maintenir une ligne claire de non-discrimination. Il a aussi réussi à empêcher ses éléments extrémistes de prendre le contrôle du parti, allant jusqu’à exclure des membres ouvertement xénophobes.
On pourrait dire que l’UKIP n’est pas un parti d’extrême-droite, mais un parti soutenu par un grand nombre de personnes extrémistes. Il remplit le vide laissé à la marge de l’échiquier politique par l’écroulement du Parti Nationaliste Britannique au cours des dernières années.
Le plus grand atout de l’UKIP est son leader, Nigel Farage, qui a réussi à se profiler comme un politique doté de bon sens et refusant la langue de bois. Que ses origines bourgeoises soient en flagrante contradiction avec l’image de l’homme de la rue qu’il a construite, n’y change rien. Il est parvenu à occuper l’espace politique, à imposer son agenda aux autres partis, et à s’assurer une maîtrise totale sur son parti.
Nigel Farage est un personnage ambigu. Il semble parfois davantage intéressé par sa propre importance que par des objectifs politiques concrets. Il adore être sous les projecteurs, mais n’est guère motivé par la gestion quotidienne d’un parti politique.
L’avenir de l’UKIP dépend de sa capacité à obtenir ce qu’il cherche depuis ses débuts : le retrait de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne. A part cet objectif primordial, il y a un grand flou idéologique dans lequel réside aussi sa plus grande faiblesse. L’UKIP se fonde sur des attitudes négatives : il déteste l’Europe, l’immigration, le système, les politiques. Il profite ainsi d’un mécontentement général qu’il a su convertir en votes.
Contrairement au FN, l’UKIP n’a pas d’assise idéologique qui puisse lui fournir une feuille de route. Il ne s’engage pas non plus dans des collaborations internationales. Il est bien connu que Nigel Farage et Marine Le Pen se détestent cordialement et s’évitent au sein du Parlement européen.
L’UKIP n’est donc pas une version anglaise du FN, loin de là. Il est quelque chose de différent, d’un peu étrange. « So british ! », en somme.
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Simon Usherwood est politologue,
il enseigne les études européennes à l’Université du Surrey.
Spécialiste des partis politiques britanniques,
il est l’auteur d’un blog remarqué sur l’euroscepticisme.