Thomas HOERBER
Professeur d'études européennes, directeur de recherche et responsable de l'EU*Asia Institute - ESSCA
Sur l'avenir de l'humanité dans l'espace.

Nouveaux mondes, nouveaux ordres

La population terrestre est encore loin de devenir une civilisation interstellaire - à l'exception de quelques spationautes chanceux, l'humanité n'a jamais quitté sa planète d'origine. Pourtant, l'importance de l'espace au 21e siècle est énorme. D'une certaine manière, la (sur)vie sur Terre dépend de l'espace, car l'exploration spatiale joue un rôle considérable dans l'avenir de l'humanité. La lutte contre le changement climatique à l'aide d'images satellites, l'exploitation des ressources spatiales et l'exploration de l'espace à la recherche d'habitats humains potentiels ne sont que quelques exemples de l'importance future de l'espace. Certains scientifiques estiment même que l’exploration spatiale pourrait transformer les relations sur Terre et instaurer de nouveaux ordres. C'est pourquoi l'étude de l'espace dans les sciences sociales doit également être considérée comme une réflexion sur les futurs potentiels de l'humanité.

L'exploration de l'espace est souvent comparée à la découverte des « nouveaux » continents depuis le début de l'ère moderne. Même si cette comparaison est controversée, on peut en tirer des analogies qui sont toujours d'actualité aujourd'hui.

Hier comme aujourd'hui, trois critères sont nécessaires pour réaliser de telles découvertes qui changent le monde :

  • une volonté politique,
  • des efforts de pionniers,
  • des outils et des technologies appropriés.

Toutefois, cette analogie peut également servir d'avertissement. En particulier, les commercialisations de l’espace envisagées par certains acteurs et la colonisation possible de nouveaux habitats recèlent, comme par le passé, un potentiel de conflit immense.

Guerre et paix

Dans un contexte mondial de plus en plus conflictuel sur Terre, l’humanité semble aussi être confrontée à un choix dans l’espace : guerre ou paix ?
C'est précisément dans l'espace que cette thématique devient explosive en raison de la militarisation et de l'armement croissants. Derrière la question d'une utilisation conflictuelle ou pacifique de l'espace se cache également celle des différentes approches sociales associées à la découverte de nouveaux territoires. D'un côté, il y a le désir de conquérir, d'occuper et d'exploiter les environnements nouvellement découverts, ce qui entraîne des conflits. De l'autre, l'exploration pacifique de lieux inconnus, où la curiosité, la créativité, la solidarité et le désir d'explorer sont les directives suprêmes de l'action humaine.

Dans le contexte de ce choix entre guerre et paix, deux scénarios peuvent être esquissés.
Dans le premier, l'espace pourrait devenir, grâce à une utilisation pacifique et à une coopération internationale, un moyen permettant à l'humanité de réaliser son avenir en utilisant l'espace et d’accomplir les utopies bien connues.
Dans le second, la guerre perdurerait, entraînant une répétition de l’histoire conflictuelle de l’humanité que nous pensions avoir dépassée, avec une extension des conflits à d’autres planètes.

Un grand pas

L’espoir est que, face à l’immensité infinie de l’espace, les humains prendront conscience de leur petitesse et du fait que dans l’espace, la nationalité importe peu. La première priorité dans l’espace est de survivre, ce qui est déjà difficile en soi ; ensuite vient l’exploration et la découverte, qui ne peuvent se faire seuls ; enfin, cela mènera, espérons-le, à la construction d’une bonne société interstellaire, qu’il sera également impossible de fonder seul.

Les premiers humains à s’aventurer dans l’espace seront sans aucun doute des ambassadeurs, mais de quoi ? De l’humanité, prête à franchir la prochaine grande étape de son évolution ? Le choix nous appartient.


Article initialement publié en allemand sur le blog de la Schader-Stiftung : « Krieg und Frieden im Weltraum » dans le contexte du 16ᵉ colloque de l'ESSCA sur la politique spatiale « Towards a Mon Village? », organisé les 18 et 19 mars 2024 en collaboration avec la Schader-Stiftung et l'IWU à Darmstadt, Allemagne.

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