Marc PRIETO
Professeur d'économie, directeur de recherche & responsable de l'institut Transports et mobilités durables - ESSCA
Jean-Sébastien LACAM
Professeur associé de stratégie d'entreprise et de management - ESSCA
Institut-ESSCA-Mobilites-Transports-Membre-Bertrand-Jullien
Bernard JULLIEN
Chercheur Affilié & MCF HDR Université de Bordeaux

L’objectif de neutralité carbone à 2050 fixé par les autorités européennes se traduit par des exigences fortes pour le secteur des transports. La tâche s’avère particulièrement difficile : les transports représentent 30% des émissions de gaz à effet de serre (GES) en Europe et ces dernières n’ont cessé de croitre depuis 1990. En réponse à ces nouvelles contraintes, l’interdiction de mise en circulation de nouveaux véhicules thermiques a ainsi été actée pour 2035 ouvrant la voie à une électrification massive des parcs européens à horizon 2050.

Face à l’urgence climatique, l’accélération de la décarbonation des transports a amené l’ensemble des acteurs concernés à s’engager dans toutes sortes de solutions parmi lesquelles le rétrofit. Consistant à convertir un véhicule thermique (VT) en véhicule électrique à batterie (VEB), le rétrofit a été relancé en France en 2020 à travers une réglementation plus favorable. De nombreux acteurs se sont engagés dans cette voie et ont peu à peu convaincu et suscité l’intérêt du grand public et des médias.

À la demande du think tank « Forum Vies Mobiles », l’équipe de l’Institut des transports et mobilités durables de l’ESSCA a engagé un travail d’analyse du rétrofit pour en comprendre les principaux atouts en tant qu’outil de décarbonation. Des entretiens réalisés auprès d’experts et de professionnels proches du dossier et des projections de parcs de véhicules permettent de proposer une lecture des intérêts et limites de cette pratique.

L’étude montre qu’en dépit de l’intérêt apparent de la conversion à l’électrique de VT, la pratique souffre d’au moins cinq handicaps majeurs :

  • son coût élevé : il faut compter entre 12 et 15 000 Euros pour un rétrofit sur un véhicule particulier,
  • la faible autonomie du véhicule rétrofité : en deçà des 200 Km,
  • les usages restreints des véhicules rétrofités : navette domicile-travail pour l’essentiel,
  • la forte concurrence des véhicules électriques à batterie d’occasion (VEBO),
  • et la logique de filière transitoire par nature du rétrofit.

Le travail de projection des parcs explore trois hypothèses : un scénario "au fil de l'eau" sans changement de la politique actuelle, un scénario de soutien au VEB neuf et un scénario de soutien au rétrofit. C'est le soutien au VEB neuf qui permettrait la diminution la plus forte des émissions de CO2 même si le scénario rétrofit est lui aussi plus efficace que le scénario "au fil de l'eau" sur ce point. En termes de charge de ces politiques pour les finances publiques et sur la base du coût d'abattement, là encore le scénario du soutien au VEB neuf permet une mise en œuvre moins lourde que l'hypothèse rétrofit.

En conclusion, l'enthousiasme pour le rétrofit des voitures particulières s’avère finalement plutôt décevant. L'étude souligne néanmoins que cette solution pourrait devenir intéressante si le prix des batteries pour le rétrofit baissait fortement. Le rétrofit semble en revanche plus prometteur pour d’autres types de véhicules tels que les véhicules utilitaires légers (VUL) et les autocars.


Pour en savoir plus et découvrir les données détaillées :

Téléchargez la synthèse "Rétrofit électrique des véhicules légers : opportunités et contours d'une filière émergente"

Téléchargez le rapport complet "Rétrofit électrique des véhicules légers : opportunités et contours d'une filière émergente"

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